Bienvenue à Tankville, Canada. Population : 1

 

Je ne sais pas pour vous, mais au fond, je suis plutôt heureux que le Canadien ait perdu hier soir contre les redoutables Panthers de la Floride (vous saviez que les panthères étaient l’animal emblématique de la Floride? Ça vous étonne hein? Pourtant c’est la vérité. Quoi, vous croyiez qu’ils choisissaient leurs noms d’équipe au hasard comme ça!?). Les deux dernières victoires convaincantes du week-end contre les Devils et les Rangers avaient temporairement secoué mes convictions face au Canadien. Je commençais même à douter de moi.

 

Voyez-vous, ça fait déjà deux semaines que j’ai ce texte en tête, or, pour des raisons de pure paresse, j’ai mis un temps fou à me décider de l’écrire. Et comme il n’y a pas plus vlimeux qu’un joueur du CH, nos petits zamis ont eu envi de jouer au hockey ce week-end. Résultat : leurs deux meilleurs matchs de l’année. Je vous jure, j’ai failli changer d’idée. Mais je me doutais bien qu’un match contre les Panthers allait les (me) remettre sur le droit chemin. Voici donc la critique que j’entendais écrire depuis le début.

 

Chez les zanglais, il y a une délicieuse expression qui décrit très bien l’attitude des Nordiques de Québec édition 1992 : tanking. Pour ceux qui ignorent ce qu’est le tanking, en français, on pourrait résumer ça par «perdre par exprès» afin d’obtenir le premier choix lors du prochain repêchage. On se souviendra (c’est notre devise après tout) que les Nordiques avaient terminé bon dernier pour une 3e année consécutive en 1992 (46 points, à 11 points de prochaine équipe). Ce qui avait choqué un peu tout le monde cette année-là (off the record bien sûr), c’est que les Nordiques ne déguisaient même pas leur défaite en victoire morale. Non, ces messieurs avaient décidé qu’ils allaient perdre et il n’y a personne qui allait leur en empêcher (en grande partie parce qu’il n’y avait personne de plus poche qu’eux). C’est que voyez-vous, 1992 était l’année du derby Lindros.

 

Pour les plus jeunes, le derby Lindros c’est la hype entourant Crosby avant son entrée dans la ligue, multiplié par un frame de 6’ 5″ et 235 livres. C’était le dé-li-re. Et même si Bonnie Lindros, par l’entremise de son gros bébé de fils, avait clairement spécifié que ce dernier ne jouerait jamais pour Québec (notez l’emploi de la ville et non de l’équipe ici), Marcel Aubut faisait quand même des triples saltos dans sa loge à chaque défaite de son équipe. Because, s’il y avait de la hype autour du kid, je vous jure que ce n’était rien comparé à la hype autour de sa valeur marchande. Pour vous mettre les choses en perspective, la valeur marchande de Lindros valait une fois et demi la valeur de Gretzky à l’époque où lui-même a été échangé (149 points en 64 matchs, plus 43 points en 19 matchs en séries). Du jamais vu. Même si Ovechkin était échangé aujourd’hui, Washington obtiendrait moins.

 

Revenons à nos Nordiques. 1992 est probablement l’exemple le plus honteux de tanking dans l’histoire de la LNH. L’un des rare même, ce qui est étonnant puisque le premier choix de l’encan de la LNH est la chose la plus sûr dans le sport professionnel (dans la NBA par exemple, malgré une loterie, le tanking est une épreuve Olympique). Depuis 20 ans, on compte seulement 2 seuls échecs flagrants (Alexandre Daigle en’93 et Patrick Stefan en’99). Généralement, le premier choix incontesté devient un joueur tout étoile, au pire un très bon joueur. Néanmoins, 1992 ayant laissé un goût amer, la loterie fut instaurée en 1995 (seulement 3 ans après, comme par hasard) suite au lock-out. Ce qui m’amène à nos « Glorieux » édition 2010.

 

Cette équipe est probablement la plus éprouvante à suivre de mon vivant (celle de l’an passé étant à la fois la plus déprimante sur la glace mais la plus excitante hors glace). On a ici affaire à une véritable équipe de .500, ce qui n’est pas un mince exploit statistique. Elle gagne deux matchs, puis elle en perd aussitôt deux. Elle en colle 6 de suite? On peut être sûr qu’elle en perdra 6 d’affilés peu après. Une véritable montre suisse. Et cette équipe est totalement démocratique, elle perd et gagne ses matchs contre n’importe quel adversaire, du plus faible au plus fort. D’ailleurs, après 54 parties, c’est la principale chose qu’il faut retenir de cette équipe. Elle gagne un match sur deux peu importe si Markov joue ou pas. Peu importe si c’est Price ou Halak dans les buts (en fait, c’est archi-faux, elle gagne 2 fois sur 3 avec Halak et perd 2 fois sur 3 avec Price). Ou encore, peu importe si Martin porte un habit brun ou brun foncé.

 

Sur papier, je vous dirais qu’elle n’est pas si mal fichue cette équipe. Avec Halak dans les buts et 3 défenseurs légèrement au-dessus de la moyenne à la place du USS Hal Gill, de O’Byrne et surtout de Maras, le CH aurait déjà fière allure. Déjà l’an prochain, c’est P.K. Subban qui occupera la position de Mara. En attaque, la venue de Pouliot (le favori de ce blog au cas où vous ne l’auriez pas remarqué) a équilibré les 2 premiers trios. Maintenant, si seulement le Canadien avait plus de profondeur à l’attaque. Mais bon, Guy Boucher va nous remettre Max Pax drette, Serge n’est pas encore un cas perdu et pour le reste… Eh bien, attendez de lire la suite.

 

De ce que l’on peut voir, le Canadien est poche pour deux raisons principales :

 

1- Trois de ses défenseurs sont absolument incapables de faire une bonne première passe. Même si le USS Hal Gill, O’Byrne et Mara jouaient avec des chaises, leurs passes n’atteindraient pas les attaquants.

 

2- Son jeu de transition est une honte (d’ailleurs je mets toujours un sac de papier brun avec des petits trous pour les yeux lorsque j’écris sur le jeu de transition de CH). Les attaquants et les défenseurs jouent beaucoup trop éloignés. Et comme les attaquants sont très rapides (l’un des tops 6 les plus vites de la ligue) et qu’il n’y a que Markov qui passe plus vite que son ombre, les ailiers arrivent toujours à la ligne bleue adverse alors que les défenseurs se demandent encore à qui ils vont faire leur passe. Conclusion, la passe rejoint l’attaquant alors que celui-ci est déjà à la ligne bleue, donc immobile, ce qui donne le temps au défenseur ennemi de ledit dit ailier, ou au centre adverse de couper les lignes de passes centrales. À l’inverse, Buffalo et Nashville (qui, comme par hasard, ont les mêmes coachs depuis Mathusalem) ont d’excellent jeu de transition. Ce n’est pas pour rien qu’elles restent compétitives même si le reste la ligue les plume à chaque été.

 

Avec un peu de jugeote, cette équipe devrait déjà être supérieure dans 2 ans. Subban y sera. Pouliot sera devenu un marqueur de 35-40 buts (please, please, please). Halak sera enfin le numéro un incontesté et Price aura été échangé contre Claude Giroux ou Cam Barker. Et surtout, Guy Boucher (un genre de cross-over entre le Dalaï Lama et Vince Lombardi) dirigera mon CH adoré. Pour le dernier élément manquant, ça va se jouer d’ici à la fin de la saison.

 

Ceux qui me connaissent le savent, je rêve de voir le Canadien finir bon dernier pour avoir enfin la chance de repêcher un super espoir. Malheureusement, cette équipe est trop talentueuse et déjà trop en avance sur la Caroline et Toronto pour accomplir un tel exploit. Normalement, avec une fiche de .500, tu es bon pour le 9e ou le 10e choix au repêchage. Ce n’est vraiment pas suffisant, surtout avec Timmins aux commandes. Après tout, des joueurs de 3e trio, on en a déjà 3 (en réalité 7), les places sont donc comblées. Non, il nous faut un top 3. Or, en tant que fan, suivre une équipe de queue de peloton ça suce pas mal. Par chance, notre équipe gagne autant de matchs qu’elle en perd, c’est déjà plus amusant que de toujours perdre. Et la beauté avec l’incroyable parité cette année, c’est qu’il n’en faudrait pas beaucoup pour finir 5e, voir même 4e et avoir la chance de remporter (roulement de tambours)… la loterie du repêchage!

 

En ce moment, le CH a 55 points, bon pour le 9e rang dans l’est et le 20e à travers la ligue. Mais le Canadien a plus de matchs joués que ses adversaires. En fait, si par miracle, toutes les équipes derrières le CH remportaient simplement leurs matchs en main, l’équipe glisserait au précieux rang numéro 5 (le dernier qui donne droit au 1er choix). Cool, non? Surtout que pour une deuxième année de suite, la cuvée 2010 nous offrira 3 espoirs de premier plan.

 

Alors, comment ça marche la loterie? Simple. En gros, les 14 équipes qui ne participent pas aux séries sont éligibles à un tirage. On pige 5 numéros. Seules les 5 pires équipes ont des chances de remporter le précieux premier choix et aucune équipe ne peut améliorer son rang de plus de 4 positions. Je vous épargne les autres détails.

 

On dit souvent que les grandes équipes se bâtissent à coup de brillants choix au repêchage. Bullshit! Détroit a été extrêmement chanceux 2 fois en 12 ans avec Datsyuk et Zetterberg (que 2 fois en près de 90 choix, c’est de la chance, pas de la science, on s’entend? Cessons de crier au génie SVP). San Jose ont bien repêché, mais se sont fait littéralement gift wrapper 3 joueurs d’impact (Thornton, Boyle et Heatley) pour absolument aucune raison apparente. 3 vols. Ou bien Doug Wilson est un hypnotiste ou ça mérite une enquête, à vous de décider. Ensuite, et c’est là que ça devient intéressant, on a Pittsburgh, Washington et Chicago. Trois clubs qui se sont bâti grâce à des tops 3 (4 pour les Penguins et 2 chacun pour les Capitals et les Blackhawks).

 

– Mais monsieur le blogueur, ces équipes ont eu de bons choix parce qu’elles étaient nulles et ont fini bonne dernière, non?

 

Ah oui!? Ok. Pittsburgh a remporté la loterie Crosby (les 30 équipes avaient des chances), seulement l’un des 3 meilleurs espoirs de l’histoire de la ligue (avec Lemieux et Lindros). Washington a remporté la loterie 2004. Comme prix, ils ont reçu le meilleur joueur de la ligue en ce moment, le meilleur buteur de l’histoire de la LNH et certainement l’un des 5 meilleurs joueurs dans l’histoire du sport, j’ai nommé Alexander Ovechkin. À noter qu’ils sont passés de 3e à 1er au cours d’une année où la différence entre les deux premier choix (Ovechkin et Malkin) et le reste de la cuvée est abyssale. Chicago maintenant. En 2007, ils ont gagné la loterie. Ils sont partis de la 5e position à la première. Patrick Kane? De la marde et encore plus de cacas (ils avaient précisément 8,10% de chance de repêcher premier). Bien repêché c’est une chose, être chanceux c’en est une autre.

 

Note : En 2005, lors de la loterie Crosby (l’un des 5 évènements sportifs les plus excitants de ma vie; ceux qui ont écouté le tirage à la télé savent de quoi je parle), le Canadien avait également reçu un coup de pouce du destin : on avait tiré le 5e choix au total d’une cuvée hyper loadée. Yeah! Sauf que Timmins a jeté son dévolu sur un gardien de but classé entre le 15e et le 25e rang par la Centrale de recrutement de la LNH. Un bonhomme bipolaire de surcroît, l’idéal pour une ville de mongols comme Montréal (good job Timmy!).

 

Autre note : Depuis l’instauration de la loterie, deux équipes sont passées de 5 à 1. Les Islanders en 2000 (DiPietro, héhéhé!) et Chicago en 2007 (Kane; là c’est moins drôle).

 

Je ne dis pas que j’aimerais que le Canadien fasse par exprès pour perdre ses matchs, mais disons que j’aimerais bien qu’il ne s’améliore pas trop. C’est l’année idéale pour finir 5e. Tout ce qu’on a à faire c’est de garder le cap actuel, ce n’est pas la fin du monde. Au mieux, on aurait une petite chance de choisir 1er (Taylor Hall) et au pire la chance de piger à nouveau 5e. Sinon, dites-moi, ça rime à quoi? Qu’est-ce qu’on vise? La coupe!? Pouah! Vous savez combien d’équipes classées 8e ont gagné la coupe dans l’histoire? Alors, 8e dans l’Est et la chance de perdre en première ronde!? Me semble qu’on l’a vu et revu ce film-là, non?

 

Vous faites ce que vous voulez mais moi je quitte pour Tankville, Canada. Je serai peut-être tout seul dans mon village, mais au moins je vivrai d’espoir et d’eau fraîche.

 

 

Maxime Paiement

Critique sportif

 

 

9 Réponses to “Bienvenue à Tankville, Canada. Population : 1”


  1. 1 Pierre-Luc 27 janvier 2010 à 13 h 15 mi

    Moi J’te suis à pied levé! T’as besoin d’un nouveau Maire pour Tankville?!? Chu ton homme!

    Fait 15 ans qu’on bat de l’aile, qu’on est un club de bas de peloton…PU CAPABLE!!!!!

  2. 2 yannick 27 janvier 2010 à 13 h 26 mi

    Je m’autoproclame nouveau shérif de Tankville!!!!

  3. 4 Pat 29 janvier 2010 à 17 h 43 mi

    En fait ce qu’on veut c’est que Tankville soit fusionnée à Montréal et dé-fusionnée l’année suivante. On sait maintenant que scénario est possible. Alors fusionnons!

    • 5 Comment c'qui va ton club? 29 janvier 2010 à 18 h 24 mi

      Ha, excellent!

      Et voilà les amis, c’est ainsi que Pat c’est mérité le titre très convoité du lecteur du mois.

      Félicitation à Pat, notre récipiendaire du Prix Jacques-Demers pour le mois de janvier!

  4. 6 Martin 30 janvier 2010 à 17 h 24 mi

    Je suis en train d’écouter la partie contre les Sénateurs, et Cammalleri vient de probablement se blesser sérieusement.
    Population: 5, and rising fast!

    • 7 Comment c'qui va ton club? 31 janvier 2010 à 18 h 07 mi

      Ha, je songe déjà à fonder une république!

      Ceci dit, je dois avouer que la blessure de Cammy (parce que tous les surnoms des joueurs du CH doivent impérativement terminer en « y », comme Kovy, Komy et Pleky) offre une excellente excuse à l’équipe pour viser le 3e ou le 4e rang. Je trépigne. Ferme même.

      Il ne manque plus que la vente de liquidation de fin d’année et on va pouvoir enfin se parler de choses sérieuses. Restez en ligne, j’y reviendrai plus tard cette semaine.

      • 8 Martin 3 février 2010 à 12 h 33 mi

        Vente de liquidation… C’est bien beau, mais avec Bobby aux commandes, ça donne des sueurs froides! Idem pour le repêchage, même si le Canadien gagnait le draft numéro un, Bobby et sa gang ne seraient pas sûrs de leur choix (au fait, Taylor Hall joue-t-il au Michigan? Ça aiderait à la prise de décision de Timmins…)


  1. 1 Notre général est enfin un capitaine « Comment c'qui va ton club? Rétrolien sur 18 mars 2010 à 15 h 46 mi

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