Mauvais match

Des quatre sports majeurs, c’est probablement le hockey qui offre les meilleurs playoffs. D’abord, parce qu’il n’y a pas de trophées plus durs à gagner que la Coupe Stanley (l’intensité de la NFL, mais sur 20 à 26 matchs). Ensuite, parce qu’aucun autre sport ne nous offre autant d’upset année après année. Tenez, juste cette année, on a eu droit à quatre surprises en première ronde (MTL, PHI, BOS, DET) ainsi que deux autres en deuxième ronde (MTL et PHI; mais PHI seulement parce qu’ils tiraient de l’arrière 3-0, parce que sinon, ce n’était pas vraiment un upset).

Mais pourquoi cela arrive-t-il aussi souvent? Parce qu’en série, tout est une question de match-up. Certains clubs, de par leur nature, ont tout simplement plus de succès contre tel ou tel club. C’est la même chose durant la saison régulière, mais parce qu’une équipe n’affronte pas 5, 6 ou 7 fois la même équipe de suite, on le remarque moins.

Ce qui nous amène à la série Montréal-Philadelphie.

Vendredi dernier, alors que les Flyers étaient en train de compléter leur remontée historique contre Boston, j’assistais au tournoi de hockey de mon industrie qui avait lieu au complexe Bell de Brossard (où mon équipe, nommée bleublancrouge – pas de farce –, s’est faite éliminer en quart de finale; comme quoi). Il y a avait là plusieurs amis et collègues, pour la plupart fans du Canadien, et on regardait tous partiellement la troisième période. Je peux vous garantir que dès que Gagné a brisé l’égalité de 3-3 (au propre comme au figuré), les visages se sont soudainement assombris. C’est comme si on nous avait annoncés que le notre CH adoré venait d’être éliminé. Pourquoi? Parce qu’on savait tous que Philadelphie représentait un très mauvais match-up pour Montréal. Pire, en gagnant, c’est soudainement eux qui devenaient l’équipe cendrillon (et on ne badine jamais avec Cendrillon, notamment parce qu’à la fin, ça finit toujours par «ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants», si vous voyez ce que je veux dire).

Ce printemps, si le Canadien a réussi à créer, non pas une, mais deux surprises de taille, c’est d’abord parce que Halak a goalé sur la tête, oui, mais aussi parce qu’il a affronté des clubs qui tombaient pile dans ses cordes. Misant d’abord sur le talent brut individuel, ces deux clubs pratiquent un jeu axé sur l’offensive où les joueurs pénètrent dans la zone défensive en pleine vitesse. Dans ce temps-là, même un joueur aux aptitudes défensives limitées comme Bergeron peut se débrouiller pour contrer un adversaire en mouvement.

C’est une simple loi de la physique : deux corps ne peuvent occuper le même espace au même moment (sinon, c’est un peu comme croiser les effluves, ça fait kaboom-shit-c’est-la-fin-du-monde). Donc, lorsqu’un corps se met dans le chemin d’un autre corps en mouvement, ce dernier va être obligé de modifier un tant soit peu sa route pour éviter/contourner le premier corps. Ainsi, l’attaquant en mouvement va soi manquer la passe qui lui était destinée, être gêné pour tirer, ou mieux, tout simplement perdre la rondelle (je synthétise à l’extrême, mais vous comprenez où je veux en venir). C’est ce qui a fait que Bergeron n’a pas si mal paru contre les Penguins et que le USS Hal Gill avait des allures de Serge Savard (les Spin-o-rama en moins) contre Ovechkin, Malkin, Crosby et cie.

Or, malheureusement pour le CH, les Flyers pratiquent un tout style d’attaque. Ils dompent la puck et courent après, ce qui met certains défenseurs plus vulnérables en danger.

C’est moins élégant, mais diablement efficace, surtout en série. Ajoutez le fait que Bergeron est frêle et peu physique et vous courrez tout droit au désastre. D’ailleurs, j’ose espérer que Jacques Martin va se remettre à coacher et qu’il insérera OB dans la formation le plus rapidement possible.

On a tous en tête l’image que les Flyers sont des gros méchants qui cognent tous ce qui bouge, mais en réalité, depuis le début des séries, des équipes comme les Sénateurs et les Penguins ont frappé pas mal plus souvent que Philadelphie (par match, bien sûr). Même que lorsqu’on regarde attentivement l’alignement des Flyers, avec les Laperrière et Carter blessés, ils ne sont plus tant à cogner dur chez les joueurs orange. Richards, oui. Hartnell, oui. Asham, bien sûr. Van Riems-machin, bof. Carcillo, certainement. Pronger, vous pouvez être sûr! Les autres? Pas moins que la plupart des joueurs du CH. Giroux, Gagné, Brière : ça ne cogne pas en malade, mais vous pouvez être sur que ce sont eux qui démoliront Halak. Surtout Brière. Petit criss.

En outre, si on regarde les deux premiers matchs de la série, ce n’est pas tant les joueurs comme tels qui ont posé problèmes aux défenseurs tricolores, mais le système. Et ce n’est pas nouveau. Depuis la fin des années ’90, les équipes qui pratiquent un échec avant efficace connaissent systématiquement du succès contre nos favoris, surtout une fois rendu en série où tout le monde se sacrifie chaque minute de chaque partie.

C’est pour ça qu’à la seconde où Simon Gagné a donné définitivement les devants aux Flyers, j’ai eu envi de remercier nos Glorieux pour leurs poétiques efforts et de passer à autre chose. Et à l’en croire un certain journaliste de la radio, je n’étais peut-être pas le seul, plusieurs joueurs du Canadien auraient poussé un gros «Fuck» collectif lorsqu’ils ont vu les Flyers compléter leur incroyable remontée. Peut-être qu’ils ont pensé, comme moi, qu’ils n’avaient plus aucune chance contre des Flyers aussi motivés que robustes, qui plus est touchés par la grâce.

Il ne faut donc pas se surprendre des mauvais matchs qu’ils ont disputés en ouverture de série, puisqu’apparemment, dans leur tête, les joueurs avaient déjà perdu.

Maxime Paiement

Critique sportif

0 Réponses to “Mauvais match”



  1. Laissez un commentaire

Laisser un commentaire